Armando Molinares était ambulancier. Sa femme Ester travaillait dans une maison de retraite. Ils ont tous deux été licenciés sans preÌavis.
« Cette année a été très difficile pour moi. Je ne pouvais plus payer car il n'y a plus de travail en Espagne. Du coup, ils te laissent dans la rue comme un chien. »
Le couple a vendu sa voiture pour acheter une vieille fourgonnette dans laquelle ils pourront dormir sur la route. Mais l'argent économisé est encore insuffisant, ils sont obligés de faire la manche pour acheter l'essence qui leur permettra d'arriver dans la Drôme.
À cause du mauvais temps, la saison de la cueillette à Tain-l'Hermitage (Drôme) commence avec plusieurs semaines de retard. Armando et Ester passeront le mois de mai enfermés sous la tente, sans argent ni travail.
De plus en plus d'Espagnols viennent en France pour les saisons. En 2012, ils étaient plus de 56 000 à avoir quitté le pays et l'Espagne est en passe de redevenir un pays émetteur de migrants.
L'humidité, l'inconfort de la tente et les quotas à tenir provoquent rhumatismes et sciatique chez Ester.
Elle devrait être clouée au lit plusieurs jours, mais une journeÌe non travaillée n'est pas payée.
Alors Ester avale des anti-inflammatoires pour calmer ses douleurs.
Et n'a pas d’autre choix que de reprendre le travail pour terminer la saison.
Le couple aurait trop honte de rentrer les mains vides sans pouvoir payer la scolarité des enfants.
« Comme n'importe quelle famille, nous avions une maison... »
« Du jour au lendemain, on a dû tout vendre. On a vendu les meubles, on a vendu la voiture, on a vendu nos portables... Pour presque rien... »
« L'argent d'Armando sert à payer le camping, la nourriture, le tabac, la lessive, l’essence... »
« ... le mien sert aÌ€ tout payer pour les enfants en Espagne. L'école, les vêtements, les livres... »
« Les enfants ne savent pas ce qui se passe. Je les appelle et ils me disent : “Maman, mon amour chéri, qu'est-ce que tu fais qui t'empêche de venir ?” »
Durant les cinq mois où ils auront travaillé en France, Armando et Ester ont été payés au Smic horaire quels que soient l'heure et le jour travaillé.
Super flexibles, ils ont parfois aligné quinze heures de travail sur une journée et le lendemain, parce que la pluie empêchait les travaux de récolte, ne rien gagner.
DeÌbut octobre, la saison s’achève avec les vendanges près d'Orange apreÌ€s plus de cinq mois loin de leurs enfants.
Fin octobre, je reçoit ce mail : « Ça vaut la peine de travailler! »
Partir en France devient leur dernier espoir de trouver un travail. Ce choix les oblige à se seÌparer de leurs deux enfants de 10 et 13 ans pendant plus de cinq mois, le temps de la saison des récoltes.