RETOUR A ZARZIS
A la chute de Ben Ali, Slah comme des milliers d'autres tunisiens a cru qu'il pourrait offrir une vie meilleure à sa famille en migrant vers l'Europe. Originaire de Zarzis, il gagnait sa vie en revendant de la marchandise qu'il allait chercher en Libye. Mais avec la guerre sur place, les frontières se sont fermées, brutal coup d'arrêt à son petit commerce.
Il a décidé de se joindre aux "harragas", ces migrants clandestins qui risquent leurs vies en embarquant sur des chalutiers de fortune pour traverser la Méditerranée et échouer sur l'île italienne de Lampedusa.
L'eldorado européen comme un mirage et au bout du voyage, l'enfer.
Slah en a fait l'amère expérience. Il était déjà venu en France en 2000 et croyait savoir à quoi s'attendre. Il était loin du compte. Lui qui pensait trouver un travail dans le bâtiment grâce à un ami a vécu dans le plus grand dénuement, loin de sa femme et de ses 5 enfants. Son bien le plus précieux.
Mars - décembre 2011
16 Mars 2011.
Slah et sa famille dans leur maison de Zarzis.
Le chalutier « Oum El Khir » (mer de la bonté) quitte le port de Zarzis avec 120 passagers à son bord.
Slah craint de voir la marine tunisienne intervenir.
L’embarcation prend l’eau de toutes parts. Les passagers sont frigorifiés.
L’Europe est loin. Il faudra encore tenir 18 heures.
La houle rend malade. La plupart des tunisiens de l'embarcation prennent la mer pour la première fois.
La pompe de cale tombe en panne. Par la suite, les migrants demanderont de l’aide à un autre bateau de Harragas qui fait la même route.
Chacun a versé 1000€ au passeur.
On aperçoit les lumières de l’île de Lampedusa.
Après 22 heures de traversée, escorté par les gardes côtes italiens, le chalutier entre dans le port de Lampedusa.
L’« Oum El Khir » accoste dans un emplacement réservé, afin de pouvoir compter et parquer ses passagers.
Première nuit sur le sol européen.
Slah campe sur le port de Lampedusa.
Plus de 6000 Tunisiens séjournent à Lampedusa alors que le centre de rétention est prévu pour 850 personnes.
Le cimetière des bateaux de Lampedusa, où finissent toutes les épaves des chalutiers tunisiens.
Tous les jours de nouveaux bateaux arrivent sur l'ile.
Chacun attend un frère, un ami, un voisin...
Pour limiter les tensions, les harragas sont transférés sur la péninsule.
Avec d'autres compatriotes, Slah est emmené en avion à Bari.
Slah se rend en train jusqu'à Vintimille, ville frontalière avec la France.
Entre l'Italie et la France.
Avril 2011.
Slah compte sur l'aide de ses deux frères installés en France. Il s'installe chez l'un d'eux dans l'Essonne.
Incapable de participer aux frais, Slah a l'impression d'être un poids pour ses proches. Il part à Paris, où il passe ses nuits dehors.
Tous les matins, il attend d'être pris comme manoeuvre dans le bâtiment.
En près de 9 mois, Slah n'aura réussi à travailler que 15 jours. Impossible d'envoyer de l'argent à sa famille.
Il est parfois hébergé par son ami Abdel. Ils s'entassent dans une chambre de bonne, avec d'autres Tunisiens.
Sa femme et ses enfants lui manquent. Slah réalise qu'il a fait le voyage pour rien.
Il décide de rentrer en bénéficiant d'une aide au retour volontaire. Soit, un billet d'avion et 300€.
La famille se retrouve après 9 mois de séparation.